Certains mots passent, d’autres te marquent à jamais. Etre une femme m’a immédiatement couté le grade me privant ainsi un droit au logement malgré que j’avais de l’argent pour le payer.
Me voilà avec ma première victoire, j’ai enfin réussi à convaincre ma famille de nous laisser déménager. Je sens un ouf de soulagement et je me dis que je vais désormais vivre ma vie en tant que jeune femme responsable, bref essayer de voler de mes propres ailes. J’ai hâte.
Maman, celle qui m’a toujours confié des responsabilités depuis ma tendre enfance est la seule qui a confiance en moi,en nous. Il y a aussi sa cousine, la tante rebelle qui est toujours open aux nouvelles aventures. Elles, contrairement aux autres tantes, grandes sœurs et tonton Jérémie, avaient foi en nous.
Vient alors l’étape la plus périlleuse, la recherche d’un chez nous. Juin 2014 (j’ai envie de fêter l’anniversaire, lol), nous sommes deux jeunes filles qui cherchent une maison à louer au cœur de cette Buja-ville. Dans ma vingtaine, je suis la plus âgée. Je dois me charger de tout. Dans le tout, comprenez aller voir la maison, discuter le prix avec le propriétaire, payer l’avance et enfin préparer le déménagement. Sauf que tout ne va pas se passer comme prévu.
Le périple
Le premier proprio est poli. Esquissant un sourire, il nous fait visiter sa maison mais, tout d’un coup, la situation change quand il apprend qu’il va « héberger » deux jeunes filles. « Yooo simpangisha abana b’abakobwa biragoye »(je ne loue pas ma maison aux filles, c’est compliqué).
Je n’y prête pas beaucoup d’attention. Peut-être qu’il a ses raisons à lui. Mais l’excuse commence à m’agacer quand un autre sexagénaire nous répète la même chose dans le même quartier. Ma curiosité commence à prendre place. “Pourquoi ?”, me dis-je au fond. Quand on est allé voir le troisième dans un quartier tout près, ma question n’a fait que me torturer de plus belle lorsque le proprio nous refusa l’accès à la maison à 2 min près de la signature du contrat pour la même excuse. Je me décidai alors de poser ma question. Catégorique et d’un ton insolent, il rétorque à ma question plutôt posée avec innocence » abo bakobwa baza kwipangira ni abamalaya je ntabo nakira »(les filles qui viennent vivre seules sont des prostitués , je ne les reçois pas).
Pas qu’une phrase, une marque indélébile
Moi, la vierge prostituée ! je ne pouvais pas retenir la larme qui menaçait de couler depuis un moment. Je n’avais jamais pensé que l’on puisse me refuser un toit sur base des stéréotypes qui n’ont aucune racine. Peut-être que les parentés avaient raison, il fallait rester entassées dans cette maisonnette de ma chère tante qui avait accepté de nous accueillir pour les études.
En m’éloignant de cette maudite parcelle, je regarde ce vieil homme à l’âge de mon père qui aurait dû m’accueillir comme son enfant au lieu de me voir en prostituée. Peut-être qu’il fallait blâmer mon père, pourquoi n’a-t-il pas construit une maison à Bujumbura ?