C’est déplorable de constater qu’à la veille de2025, il y a toujours des Burundais qui considèrent comme un scandale le fait qu’une fille tâche ses vêtements pendant ses règles. Récemment, une jeune fille a vécu une situation‘inhumaine’ en pleine ville. Je vous raconte.
C’est un après-midi ordinaire, je me promène en pleine centre-ville. L’agitation habituelle règne dans les rues: des marchands ambulants crient pour attirer les clients, les véhicules circulent comme d’habitude et les passants sont plongés dans leurs activités. Soudain, mon attention est détournée par une scène étrange.
Au milieu de tous ces mouvements, une jeune fille reste immobile, visiblement gênée. Elle porte un pantalon blanc, mais une tache rouge sur son vêtement attire l’attention de plusieurs personnes, un attroupement autour d’elle.
Des murmures, des rires, des moqueries et voire des insultes. « Ndabira Ako kamaramaza » lance quelqu’un d’un ton moqueur, tandis qu’un autre rit aux éclats et un autre encore lance : « Fuka ivyo bishoze vyawe twabonye, ariko ntitwigeze tugusaba ko utwereka ko uri mu bichoze»
La fille reste figée, eprise de honte et de frayeur, comme si elle souhaitait disparaître. Le regard baissé vers le sol, elle reflète une honte, un mélange de peur et de tristesse. Elle tente maladroitement de couvrir la tâche avec son sac à main, mais en vain. Les paroles choquantes des passants la submergent de plus belle.
À cet instant, je sens comme une rage monte en moi face à ces personnes. Comment un phénomène aussi naturel peut-il susciter autant d’injures ? Cette scène n’est pas seulement une humiliation injuste, elle reflète le lourd fardeau de tabous sur le corps des femmes dans notre société.
J’ai envie d’intervenir, briser ces regards de honte et de moquerie, lui dire « mpore, ndamugumbire », qu’elle n’a aucune raison de se sentir mal, qu’elle n’a pas à dissimuler ce qui fait pourtant partie de sa nature. J’aimerais lui témoigner mon soutien, lui dire qu’elle n’est pas seule et que ce moment, aussi difficile soit-il, ne la définit pas. Mais comment la tirer de cet attroupement sans couvrir la marque de sang qui les pousse à babiller ?
L’écharpecache la honte
Comme par miracle, une jeune maman élégante et confiante traverse la foule, s’approche calmement de la jeune fille, le regard empli de douceur et d’une force silencieuse. Sans un mot, elle s’arrête un instant, observant la scène comme pour prendre la mesure de toute la douleur infligée. Puis, dans un geste empreint de grâce, elle retire l’écharpe qui repose sur ses épaules et la dépose délicatement sur les siennes.
Sa voix, douce mais pleine d’assurance, s’élève, brisant l’air chargé de cruauté « Akira, kibondo. Ifuke hama uze uje kurondera aho ukura iyindi mpuzu. Abo nabo bariko barakuryagagura, baribagiye ko bashiki babo canke abakenyezi bishobora kubashikira. Umusi vyoshika niho bomenya ukuntu wiyumva ».
La fille, surprise, lève les yeux vers la belle dame qui vient de lui sauver la vie. Elle prend l’écharpe d’une main tremblante, comme si elle n’osait pas croire à ce geste. Puis, le regard embué de larmes et une émotion intense traversant son visage, elle murmure d’une voix brisée : “ Merci, merci beaucoup, tu viens de me sauver”
N.B: Le cycle menstruel est un phénomène naturel. Il survient souvent sans prévenir. Aussi, pourquoi voulez-vous faire comme si les serviettes hygiéniques étaient gratuites ? Êtes-vous conscients qu’une fille qui n’a pas d’argent sur elle peut être surprise par ses règles ? Changez de comportement : au lieu de se moquer d’une fille qui a une marque de sang sur ses vêtements à cause de ses règles, soutenons-la et faisons preuve de bienveillance.
À la jeune fille et à toutes les jeunes filles qui ont vécu cette humiliation, je m’excuse. Sachez qu’il ne s’agit pas là de la fin du monde et, à chaque fois, levez-vous et marchez avec assurance.