Très chère
Nous avons longtemps lu des histoires d’héroïnes dans les livres, mais je me demande, lira-t-on la tienne un jour ? Nous souviendrons-nous de ta bravoure un jour ? Dira-t-on à nos filles et fils que tu es l’une des grandes femmes ayant marquée l’histoire de notre patrie ? Je l’espère. En attendant, j’ai un mot pour toi.
Uri intwarikazi !
Combien ont vu, mais se sont tus ! Des milliers. Mais toi, tu as refusé de te taire, tu as refusé de cautionner, et cela, au péril de ta liberté. Pour commencer, tu as défié notre culture qui dit aux filles et aux femmes de se taire. Femme, dans une foule en public, tu ne te lèveras point pour prendre la parole, t’auraient dit tes ancêtres. Mais toi, tu l’as fait. Et tu n’as pas juste pris la parole, tu as dénoncé un fait, un fléau qui tue en silence. Chapeau bas !
Toi, une « simple secrétaire » (comme diraient certains), tu t’es levée devant un ministre et ses collègues pour dénoncer ton directeur ! Les GenZ diraient Kubadida ! Ta prise de parole a malheureusement marqué le début d’un calvaire. Toi qui avais dénoncé, toi qui voulais protéger tes filles, tu t’es retrouvée derrière les barreaux.
J’honore la grande dame que tu es. Tu as préféré ne pas te taire face aux abus dont les enfants sous ta garde souffraient. Tu l’as payé cher, ta liberté. Mais au moins, tu nous as montré qu’il y a des fées marraines qui veillent sur nous dans ce monde cruel, où le viol semble être normalisé, où les bourreaux ne sont jamais pointés du doigt, où les victimes sont tenues pour responsables. Le monde est tellement cruel, mais grâce à toi, on a appris qu’il existe certaines belles personnes : des héroïnes, des vraies.
Warahabishijwe, ntiwahahamuka. Warapfunywe, ntiwapfuye !
Pour quelqu’un qui a suivi ton histoire depuis le début du procès, warahabishijwe uranapfunywa ! Les reports incessants, les injustices, on ne t’a pas cru, zéro enquête sur ce que t’avais dénoncé… Et même après avoir été acquittée, tu es restée en prison. Loin de ta famille, plus de 365 jours loin de tes enfants, de celles que tu voulais protéger. Tu as tout vu, tout ce qu’on peut voir de pire.
On t’a offert un compromis ou, moi, je dirais un pacte avec le diable : « Plaide coupable, demande pardon, et on te libère ». Mais tu as refusé ! Tu as refusé de mentir, tu as refusé d’être complice. Tu as préféré la prison à la rétraction.
Habwa impundu n’abawe !Â
ÂPeut-être qu’on ne se rencontrera jamais, mais j’ose espérer que tu verras ces mots que je t’adresse. Sache que tu as laissé une trace. Tu nous as légué un combat. Tu as fait ta part. Tu es une icône ! Tu nous as rappelé que nous devrions tous nous battre pour nos convictions, peu importe ce que cela nous coûte. Nous ne devrions pas avoir peur de gêner, d’oser. Tu l’as fait, pourquoi pas nous ?
C’est fou à quel point ce texte me plonge dans les paroles de ma chanson préférée du moment ‘‘mon héroïne’’ de Joyce Jonathan et Lola Dubini “Tu seras mon héroïne, battante jusqu’à la fin du film. Une femme qui affronte, qui n’aura plus jamais honte, une force qui surmonte. »
Tu incarnes cette chanson à merveille. Habwa impundu n’abawe, très chère Emilienne.