Cela fait des jours que j’y réfléchis. Parfois, je me sens coupable, parfois je m’interroge sur la spirale infernale dans laquelle ce monde est en train de s’empêtrer. Mais maintenant qu’on y est, je veux savoir si c’est moi qui ai la malchance de croiser les mauvaises personnes. Tiens, je vous livre ma confidence.
Je suis une jeune femme de taille moyenne, pas si élancée ni trop petite et, en termes de poids, tout de même ! Comme quoi l’univers avait décidé de me donner la moyenne !! Bon, ceci n’est pas notre sujet du jour… mais bon.
J’ai obtenu mon bac en 2023. Toute fraîche et pleine d’énergie, j’espérais trouver un emploi pour mettre en pratique mes acquis. Je sais que le marché du travail est saturé, surtout pour nous qui n’avons pas d’oncles ministres. Mais au pire, je m’attendais à décrocher un stage ou un volontariat.
Une lueur d’espoir…
Cela fait plus d’une année que je cherche une occupation, et il m’est encore arrivé une expérience que je ne suis pas prête d’oublier. Malheureusement, une parmi tant d’autres.
Mardi, à 15 h 32, je reçois un appel d’un numéro inconnu. Après hésitation, je décroche. Une voix d’homme me répond de l’autre bout du fil. Après les salutations d’usage, il me donne rendez-vous pour un entretien d’embauche dans une agence de voyages à la recherche d’un agent marketing. Ce qui me surprend, c’est que je n’ai pas déposé de candidature dans une agence de voyages. D’ailleurs, cela fait des jours que je n’ai rien envoyé , j’en avais marre de perdre mes diplômes pour ne jamais recevoir de retour favorable. J’obtempère à ses ordres. Je poserai peut-être la question de qui m’a recommandée pour le poste une fois en face-à -face.
Il est 9 heures et je suis à l’adresse convenue. Le bâtiment ne dégage aucune impression de bureau d’une agence réputée, comme il me l’avait vanté quelques heures auparavant. Aucune référence à une agence de voyages. Mais comment ces gens comptent ils faire connaître une agence aussi discrète que le foyer d’un opposant politique à la retraite ? Je demande à l’agent de sécurité si je ne me suis pas trompée d’adresse. Il me confirme que non et me fait signe de m’asseoir à l’intérieur : « Le chef n’est pas encore lÃ. »
À 9 h 20, une voiture klaxonne et l’agent de sécurité court ouvrir. Un quinquagénaire en descend. Il me salue, s’excuse et me fait signe d’entrer dans une petite pièce qui lui sert de bureau.
Vous avez dit interview ?
Après les salutations et une brève présentation, l’homme anticipe ma question : « J’ai reçu votre contact par recommandation d’une de vos amies. Elle m’a rassuré que vous étiez une fille smart et intelligente. J’espère que nous allons bien collaborer. »
« J’ai pensé que vous n’aviez pas besoin de faire des tests écrits et tout le tralala. Après tout, une fille aussi belle et civilisée, ça rassure pour le succès dans le monde du marketing… »
Je l’écoute avec intérêt, afin de comprendre ce que j’aurai à faire. Je suis déterminée à bien faire ce travail tombé du ciel après tant de mois de galère. Jusqu’ici, son « discours élogieux » passe, sauf que la suite me sort de mon petit paradis.
« Alors, comme je vois que tu es civilisée, tu sais ce qu’il te reste à faire. Tu peux me donner un rendez-vous qui te convient, je suis en mesure de payer n’importe quel hôtel de cette ville, et ce sera le début de ton travail… et de notre aventure. »
Je le regarde, toute stupéfaite. Je sens les larmes couler sur mes joues. Sans toutefois savoir où je puise ce courage, je me retrouve à lui rappeler qu’il est de la génération de mon père, qu’il n’a aucune valeur humaine, qu’il a des enfants, et qu’un jour, ils subiront le même sort. Toute honteuse, je sors de cette maudite salle avec mes espoirs brisés.
Malheureusement, ce n’est ni la première, ni la deuxième fois…