Si on m’avait dit qu’un avocat, un fruit pouvait changer le cours d’une vie, la moi de 13 ans aurait ri à gorge déployée. Et pourtant, aujourd’hui, avec le renvoi des sept élèves du lycée Busiga, je réalise à quel point une simple décision peut tout bouleverser.
Vous vous souvenez de l’histoire d’Adam et Ève, chassés du jardin d’Éden pour avoir goûté au fruit défendu. On dirait que les religieuses du lycée Busiga semblent s’en être inspirées au pied de la lettre ! Mais n’y a-t-il pas aussi de nombreux passages dans la Bible qui prônent le pardon ?
Si j’écris tous ces mots fades, c’est pour ces enfants, pour leurs rêves. Ces enfants méritent une seconde chance. On ne va pas se mentir, à l’internat, l’avocat était plus qu’un simple fruit. C’était l’ingrédient magique qui rendait les repas un peu plus supportables. Allons-nous sacrifier leurs rêves pour ce délice ?
« Ca kiyeri nyene mw’icupa rishasha »
Le sort de ces élèves me rappelle ma propre histoire. Je suis en 8ème année, en pleine adolescence. Pleine de curiosité et de défiance envers les règles. Un mercredi soir, nous sommes un groupe de filles, une bande d’amies. Nous décidons de sécher la messe de 18 h pour marauder des avocats. Après avoir rempli nos seaux, une encadreuse nous surprend en plein jardin. L’option est simple : Run ! Dans ma course effrénée, je trébuche et me blesse aux genoux. Pas de choix, je m’arrête et voici l’encadreuse qui se tient devant moi, toute furieuse.
Surnommée “Assassin”, cette encadreuse n’était pas notre préférée. Aigrie et sévère, elle semblait toujours chercher à nous punir, moi, en particulier. Il faut dire que je n’étais pas une adolescente exemplaire. Ce soir-là, je pensais que ma sentence était déjà écrite. J’étais terrifiée à l’idée de ce que mes parents allaient dire. Mes rêves, aussi petits soient-ils, allaient s’écrouler, j’en étais consciente.
Contre toute attente, elle m’a demandé d’aller soigner ma plaie, puis de revenir lui parler. Son calme m’a surprise. Elle aurait pu me renvoyer, mais elle a choisi une autre voie. Elle m’a sermonnée longuement. Elle m’a rappelé mes bonnes notes, mon potentiel, et m’a avertie des conséquences de mes actes. Elle a choisi de m’épargner, en guise de punition, j’ai dû effectuer des travaux pratiques, désherber les cours et tondre le gazon chaque samedi pendant tout le trimestre. Ce n’était pas agréable, j’en conviens mais c’était une punition pensée avec amour et sagesse digne d’une éducatrice.
Bababarire ntibazi ico bakora.
En pensant à ces sept filles du lycée Busiga, la scène ne cesse de me revenir en tête. Nous faisons tous des erreurs, mais une main tendue peut faire toute la différence. Alors, à vous qui avez le pouvoir de décider de leur avenir, je vous implore, de grâce offrez-leur une seconde chance. Tout comme cette encadreuse l’a fait pour moi un jour, donnez-leur l’opportunité de grandir, de changer, et de devenir la meilleure version d’eux-mêmes.
Parce qu’au fond, qu’aurait été ma vie ?