Dans de nombreuses sociétés africaines, notamment au Burundi, une femme divorcée est souvent réduite à un symbole d’échec. On lui attribue des surnoms méprisants, comme si sa valeur dépendait uniquement de son mariage. Pourtant, chaque divorce a ses raisons.
À 18 ans, j’ai vu mon monde s’effondrer avec le divorce de mes parents. Je ne peux décrire cette période qu’en termes de saison de larmes, de désespoir et de jugements en cascade. Dans mon quartier, chacun y allait de son commentaire, comme s’il avait été témoin de chacune de leurs disputes et de leurs cris étouffés par les murs de notre maison.
Ma mère, on l’appelle « Igisubiramuhira », comme si retourner chez ses parents après un mariage brisé était un crime. Certains murmurent qu’elle s’est rebellée, qu’elle aurait dû supporter, comme tant d’autres femmes dans le voisinage. Parce qu’ici, être insultée, battue, humiliée, ce n’est pas grave. « Inkoni ntizica », disent-ils. Les mots réducteurs, les privations, les coups et les blessures invisibles… tout cela serait normal. « Ni ko zubakwa », affirment-ils, bien installés dans leurs mondes où la souffrance des autres ne compte pas.
Moi, je ne la juge pas. Je la comprends. J’ai vu les bleus sur sa peau. J’ai senti ceux, plus profonds encore, qu’elle cachait au fond de son cœur. J’ai entendu ces mots blessants comme des lames, ces menaces qui volaient le sommeil de ses nuits… Comment pourrais-je lui en vouloir d’être partie ? Ce n’était pas un simple caprice, c’était une question de survie. On ne s’assoit pas dans une maison en feu en espérant que les flammes se transforment en feux d’artifice. On sort. On court. On sauve sa vie. Et ma mère n’a pas juste fui son mariage, elle s’est libérée.
Je ne suis pas là pour prêcher le divorce. Mais avant de juger celles qui partent et de leur coller des surnoms cruels, prenez une seconde pour imaginer ce qu’elles ont enduré. Aucune femme ne quitte un foyer par plaisir. Personne ne fuit une maison en feu juste parce qu’elle aime courir.
Oublions les étiquettes et passons à autre chose
Arrêtons un peu avec cette manie de coller des étiquettes aux femmes divorcées, comme si elles étaient des produits en solde. Une femme quitte son mariage et soudain, elle devient Ikigaba, une rebelle, une incapable qui n’a pas su tenir son foyer, comme si le mariage était une corde qu’elle aurait dû serrer jusqu’à l’étranglement. Sérieusement, ce n’est pas un bout de papier qui fait le bonheur, c’est le respect et la paix intérieure. Et si quelqu’un choisit de partir pour préserver tout cela, où est le mal ?
Et si l’on arrêtait de diaboliser ces femmes qui ont choisi le divorce comme mécanisme de survie et comme moyen de préserver ce qu’il leur reste, comme si elles avaient commis un crime impardonnable ? Pourquoi leur coller des surnoms dégradants alors qu’elles n’ont fait qu’exprimer leur envie de vivre encore, malgré la fin de leur mariage ?
Et si j’étais l’un de ceux qui « baptisent » ces braves femmes, je choisirais pour elles des surnoms humains à la hauteur de leur courage et de leur résilience. Des surnoms comme « Ba Rugumyamuheto », bref celles qui restent debout ! Au final, le fait d’être divorcée ne signifie pas la fin de l’histoire, c’est juste une nouvelle page qui s’écrit.
Avant de clore, please, ne regardons plus de travers ces braves femmes comme si elles allaient nous transmettre un virus !