À mes 15 ans, je ne devais ni me haïr, ni haïr mon corps. La beauté n’est qu’un accessoire. Mais j’ai mis du temps à comprendre cela. Surement que je ne suis pas encore à l’âge de kwidodomba, mais mon histoire pourrait peut-être sauver une adolescente. Take a seat and read.
Depuis mon enfance, ma mère a fait de ma beauté son combat. Je la comprends : selon elle, la beauté l’a sauvée à un certain moment. Orpheline et chassée de chez elle, elle avait plus que besoin de trouver stabilité, famille et attention.
Et selon elle, la beauté comptait énormément. Mon père, plutôt intelligent et exigeant en termes de goût, ne faisait pas exception. C’est pourquoi ma mère me répétait sans cesse que la beauté l’avait sauvée. Elle me disait souvent : « Parmi mes concurrentes, j’étais quand même la plus belle. » (Ça tire à balles réelles dans ma famille !)
Bref, assez parlé d’elle. Ma mère n’a eu qu’une fille : moi. Elle faisait tout pour investir dans ma beauté. C’était un choc total quand, à l’âge de 8 ans, quand elle entendait: « Elle ressemble plus à un garçon. » Oui, j’étais un garçon manqué, et ça dégoûtait ma mère Elle qui rêvait d’entendre des compliments du genre « Oh, qu’elle est mignonne, ta fille ! »
Une routine s’est alors installée : avant d’aller se coucher, il fallait faire ceci et cela pour que la peau reste toujours lisse. À 12 ans, elle commençait à anticiper l’adolescence : « Tu ne peux pas te permettre d’avoir une poitrine énorme, faut faire attention. Et puis des ondes de contradiction qui prêtaient confusion à la jeune fille que j’étais : « Tu as de belles formes et si tu ne t’habilles pas correctement, tu vas donner une mauvaise impression. » À 16 ans, c’était plus : « Mange ça, ça t’aiderait à maintenir ta taille, et en dormant, ne te mets pas dans telle position,si non tu risques d’avoir une grosse ventre”.
Et soudain, oups…
J’ai alors grandi en me disant qu’une fille devait être belle, mais pas trop, histoire de ne pas séduire les hommes au mauvais moment. En 2017, j’ai eu une allergie sévère, des boutons partout. Ma mère était inquiète. Il n’y a pas de remède que je n’aie pas essayé : du citron avant d’aller dormir, des lotions, des crèmes, du beurre, des herbes que je ne connais même pas. Ma mère avait fait de ma beauté son combat.
Et à force de l’entendre, j’avais fini par complexer. Je ne voulais plus sortir de chez moi. Quand je parlais devant les gens, j’avais l’impression qu’ils regardaient mes taches de mélasma. Et pire, un garçon avec qui je sortais me faisait des remarques du genre : « Tu avais la peau lisse avant, qu’est-ce qui s’est passé ? Tu étais tellement belle. » Il ne se rendait pas compte à quel point ses paroles me complexaient. Quand on a rompu et qu’il commencé à poster des photos de ses amies « belles », je me suis dit : « Ça y est, ma mère avait raison, personne ne voudra de moi comme ça. » (Hello, les overthinkers).
J’ai traversé une mauvaise passe, je ne parvenais pas à parler devant les gens, je détestais mon corps, j’étais convaincue que l’intelligence ne valait rien si l’on n’était pas belle. Qu’est ce que j’étais conne !
Puis, j’ai compris que la beauté se trouve dans les yeux de celui qui regarde. Pour ma part, je trouve toutes les femmes intelligentes et belles. Mais celles que j’admire le plus sont celles qui osent, se lèvent et prennent la parole lors de conférences ou d’assemblées pour plaider en faveur d’une cause. La peau lisse, un visage rond, tout cela n’était pas la beauté que je rêvais d’atteindre ! Tout le monde rêve peut-être d’être belle, mais de quelle beauté parle-t-on ?
La beauté peut être un atout (surtout aujourd’hui) mais il n’y a pas que la beauté comme atout, y a aussi d’autres qualités. Aujourd’hui, j’ai encore des taches noires, mais je sais que mon avenir ne dépendra pas de ma peau. Non, j’ai aussi d’autres atouts, et j’aurais bien aimé le savoir plus tôt. Ça m’aurait évité de perdre du temps, de me haïr, de perdre mon estime de soi et même de l’argent qu’on aurait pu investir dans mon dossier Canada, par exemple. Peut-être que je ne serais pas ici en train de kwiyereka, lol…
À la prochaine.