Jeune, belle comme toutes les autres femmes dans leurs vingtaines et innocentes comme la plupart d’entre elles, j’ai choisi la grande route sans hésitation mais la vie a pris une autre tournure.
Le lendemain de cette nuit cauchemardesque, je me sens sale et seule, mais les traditionnelles ‘‘gushika mu rugo’’ doivent continuer. Je lave mon visage et je me couvre d’un morceau de kitenge pour préparer l’accueil des invités, fixé à 16 h. Ma petite sœur est venue m’aider et Didier fait office de bon mari devant elle et les autres personnes qui arrivent pour nous aider avec les préparatifs. Il me chouchoute des mots tout le temps, me fait des bises en passant et m’appelle par des noms romantiques. À chaque fois, mes yeux s’embuent de larmes et chaque mot qu’il a prononcé la veille résonne comme une mélodie tragique. Nous accueillons les invités en riant et en souriant, bref, je fais de mon mieux pour montrer que je suis la plus heureuse des femmes. Mais la réalité est tout autre. Depuis hier, j’ai mille et une questions sur mon mari, des pourquoi sans réponse, et pire, je sens une rage mêlée à une peur qui m’égorge à chaque fois que je le regarde prétendre être le meilleur des époux.
La vie de couple ou la vie d’enfer ?
Ma vie de couple se résume à assouvir ses pulsions depuis la nuit des noces. Pas de geste tendre, pas de mots doux, ni de câlins ou de dialogues : niet ! C’est une démonstration de force du genre dominant-dominé ! Pas de souci, je m’y habitue. À part cela, je m’habitue à vivre avec un homme qui me gronde à chaque fois qu’une petite occasion se présente, qui me rappelle que je ne suis qu’une bonne à rien, qui est ici que pour ses richesses ! À vrai dire, il n’a même pas de richesse, si ce n’est un emploi qui lui permet de payer la ration et le loyer. Parle-t-il de sa nouvelle voiture achetée à crédit le lendemain de notre mariage ? Bizarrement, je m’habitue à cette vie merdique. Peut-être que c’est le ‘’nikozubakwa’’ que j’ai toujours entendu.
Après le troisième mois de vie commune, que dis-je, d’enfer, je fais une chute brutale en pleine ville et me réveille à l’hôpital. Après des examens et des consultations, le médecin me révèle que je suis enceinte et me suggère de rester hospitalisée quelque temps, car j’ai, apparemment, une anémie sévère. Didier est trop dégoûté par la nouvelle, même le faire semblant qu’il faisait devant les membres de ma famille commence à se dissiper. Il se retrouve à insulter tout le monde pour un petit rien, à lancer des gros mots même à mon grand frère qui nous a éduqués. Comprenez que je le prends pour mon père.
Le déclic
Après mon séjour à l’hôpital, je vais un peu mieux mais je ne parviens pas à faire les chores de la maison. Ce n’est pas non plus sur Didier que je vais compter pour m’aider, au contraire, je reçois une dose de reproches chaque soir parce que la chambre n’est pas rangée, tantôt mes sœurs ont passé la journée avec moi et j’ai raconté tout ce qui se passe entre nous, tantôt mes copines ne l’ont pas salué et c’est parce qu’elles savent qu’il me maltraite… Bref, des histoires ridicules qu’il invente comme prétexte pour me battre ou pour ne rien laisser comme ration le lendemain. Comme le malheur ne vient jamais seul, j’accouche, mais au moment de célébrer, le pédiatre m’annonce que mon bébé présente un problème de cœur qui n’est pas complètement fermé. Ainsi, il va falloir plus d’attention et de surveillance. À la moindre crise, je devrais le dépêcher à l’hôpital pour qu’on puisse lui administrer de l’oxygène pour lui faciliter la respiration.
Didier est devenu de plus en plus absent à la maison, arguant qu’il ne pouvait plus supporter les cris de son bébé à lui. Il passe des jours sans rentrer. Je me souviens de ce jour où mon bébé a fait une crise à minuit, toute seule à la maison et sans un sou. J’ai dû appeler mon frère à l’aide. C’était le début de la fin. Mon frère m’a forcé à lui raconter cette histoire que j’avais jalousement gardée pendant près de deux ans. Et l’explosion ou l’exposition, comme vous voulez, a signé le début de la procédure de divorce après presque deux ans d’enfer…
By the way, j’ai un dernier confession à vous faire mais comme promis, we listen, we don’t judge, je déteste mon bébé, cet être qui m’est si cher, car elle ressemble à Didier trait pour trait.