Les discriminations professionnelles dont sont victimes les femmes reposent souvent sur des stéréotypes sociaux. L’une des plus courantes est liée à leur statut matrimonial. Dans de nombreux secteurs, le fait d’être mariée ou d’avoir une famille suffit à remettre en question les compétences d’une femme, car certains estiment qu’elle sera moins disponible ou moins investie.
À mes chers enfants,
Aujourd’hui, je ne vous écris pas pour vous léguer un coffre rempli de lingots d’or. Désolée, je n’en ai pas, et croyez moi, ça m’arrange autant que vous. Ce que je vous laisse est bien plus précieux qu’un simple héritage matériel : une leçon de vie, une histoire qui, je l’espère, vous servira davantage qu’une quelconque richesse. Mon histoire.
J’ai appris à mes dépens qu’un simple changement d’état civil pouvait suffire à faire basculer une carrière. Je le savais, bien sûr, en théorie. Mais le savoir et le vivre en pleine face, c’est très différent. Et moi, je l’ai vécu en plein fouet, dans l’arène.
Mon histoire…
Tout a commencé le jour même de mon mariage, quand l’invitation a atterri dans notre groupe WhatsApp de travail. Mon patron m’a dit : « Je suis très déçu ! » Et pas qu’une fois, il me l’a répété trois fois. Naturellement, quand on se marie, les collègues vous félicitent, non ? Je ne comprenais pas pourquoi le plus beau jour de ma vie (comme on aime le dire) se retournait contre moi sous la forme d’une déception de la part de mon patron. Selon lui, mon mariage était une erreur.
Depuis ce jour, nos interactions ont changé. Avant, j’étais « la jeune » à qui l’on demandait des idées innovantes, et tout à coup, tout cela a disparu. Les petits commentaires déplacés sur mon mariage : « Maintenant,afise umu bebe akuzeà s’occuper » …, blablabla…tout ça, j’encaissais. Je voulais bien faire mon travail, travailler deux fois plus dur pour leur montrer mon potentiel.
Puis, mon contrat a pris fin. J’ai été convoquée pour un entretien en vue du renouvellement de mon contrat. Un entretien est censé être un échange, une évaluation de mes performances et de mes perspectives. Mais à peine installée, avant même que la moindre question ne soit posée, mon patron me regarde droit dans les yeux et lâche : « Je suis désolé de te dire ça en face. Tu es compétente, intelligente, tu apprends vite, tu as donné le meilleur de toi-même… Mais malheureusement, l’année prochaine, nous ne serons plus avec toi. »
Pardon ?mais…
L’entretien n’avait même pas commencé qu’il m’annonçait déjà que je n’étais pas retenue. Selon lui, c’était un environnement de jeunes, libres et autonomes. (Ouais, parce que selon certains, être mariée signifie renoncer à sa jeunesse et son autonomie, surtout quand tu es une femme.) C’était comme un cauchemar où je me battais pour mon avenir, et où, au lieu de récompenser mes efforts, on me jetait comme une vieille chaussure. La colère m’a envahie. Mais j’ai réussi à garder le contrôle. J’ai dû garder le sourire, parce que c’est ce qu’on attend des femmes, non ? Qu’elles encaissent, qu’elles sourient, qu’elles soient « fortes ». Mais à l’intérieur, je bouillonnais. Je ne comprenais pas. Comment pouvais-je être rejetée simplement pour avoir pris un engagement personnel ? Je n’étais pas incompétente, mais mon état civil posait problème. Mon mariage, ou simplement ce qu’il représentait aux yeux de certaines personnes, avait suffi à me faire passer à côté de cette opportunité. C’était de la discrimination pure et simple, et je me suis sentie trahie et humiliée, comme si mes efforts ne comptaient pour rien à cause d’une bague à mon doigt.
J’ai appris ce jour-là que, dans certains milieux, être une femme compétente ne suffisait pas. Il faut être une femme sans attache. Une femme qui n’a pas d’autres priorités. Parce qu’un homme marié est perçu comme stable et fiable. Mais une femme mariée ? On la perçoit plutôt comme un poids.
Faites mieux que vos aînées…
Mes chers enfants, je vous dis cela parce que vous serez peut-être un jour en position de recruter. Ne commettez jamais cette erreur. J’ai été licenciée, non pas parce que j’étais incompétente, ni parce que je n’avais pas donné le meilleur de moi-même, mais simplement parce que mon mariage était perçu comme un problème. Peut-être s’imaginait-il déjà que je serais moins impliquée. Peut-être qu’il redoutait des congés maternité qui viendraient perturber son organisation. Peut-être même qu’il croyait bien faire, qu’il se disait qu’il me protégeait en me laissant le temps de m’occuper de mon foyer.
De grâce, ne commettez pas cette erreur. Faites mieux que vos aînés. Ce que mon patron n’a pas compris, c’est qu’une femme peut être mariée, assumer ses responsabilités familiales et accomplir son travail avec excellence. L’un n’empêche pas l’autre. Alors, si un jour vous avez le pouvoir de décider pour les autres, ne soyez pas de ceux qui prônent l’égalité le matin et prennent des décisions sexistes l’après-midi.
Ayez le courage de faire ce que mon patron n’a pas fait : juger une femme pour son travail, et non pour son état civil !