J’ai eu 30 ans, et alors ?
Chaque année, on souffle des bougies. On rit, on est gâté par les messages, on savoure le gâteau. C’est censé être joyeux, non ? Cette année, j’ai eu 30 ans. Et, bizarrement, au lieu de me sentir célébrée, j’ai eu envie de me cacher sous une couverture. Ce n’est pas que je suis triste. C’est juste que je n’ai pas encore trouvé comment faire la paix avec ce drôle de chiffre. Hello le déni !
Et voilà. L’un des jours que je redoute le plus est arrivé. Mon trentième anniversaire. Pas à cause du gâteau ou des bougies, en tout cas. Mais c’est tout ce qui y est associé qui me dérange. Mes amis chantent « joyeux anniversaire » comme si de rien n’était. Eux, ils sont joyeux et décontractés. Mais qu’en est-il de moi ? J’ai cette sensation bizarre au creux du ventre. De la peur ? De la fatigue ? Je ne sais pas vraiment. Juste un poids.
Je me demande pourquoi une chanson censée célébrer la vie me fait l’effet d’un rappel à l’ordre. Quand j’étais petite, je comptais les jours avant mon anniversaire. Je voulais grandir. Être adulte. Je voulais porter des chaussures à talons (je sais, c’était bête) et avoir une carte bancaire. Et là, maintenant que j’y suis, je voudrais pouvoir revenir en arrière. Remonter les années comme on remonte une couverture sur soi.
Bienvenu au troisième étage!
Trente ans, c’est un âge bizarre ! On est trop vieille pour profiter des opportunités et pas encore assez jeune pour les « cadres expérimentés ». Tu veux postuler ? Ah non, c’est réservé aux moins de 25 ans. Tu veux donner ton avis ? Désolée, laisse les vrais adultes prendre la parole. 30 ans, c’est le chiffre suspendu. Pas étonnant que ce soit aussi le nombre de pièces pour lesquelles Judas a trahi Jésus. Symbolique, non ?
Happy birthday to you…
« Allez, souffle les bougies ! » me lancent mes amis! je les regarde, hésitante. Faut-il vraiment faire un vœu ? Ou est-ce juste une tradition comme une autre ? Mes amis ont insisté pour organiser cela. Moi, je n’ai jamais vraiment aimé les fêtes d’anniversaire. Si chaque matin je célèbre le cadeau de la vie, qu’est-ce qui est différent aujourd’hui ?
Mon téléphone vibre sans arrêt. Des messages de gens que je n’ai pas vus depuis le secondaire ! « J’adore ton énergie, ne change pas ! » Mais si ça se trouve, j’ai déjà changé. Ou alors, j’ai juste vieilli. Et voilà, je me perds dans mes pensées.
Happy birthday to youu…
Parlons un peu de vœux (même si je n’y crois pas trop). Mon vœu le plus sincère est qu’on arrête de me faire sentir que 30 ans, c’est la fin de quelque chose. « Qui voudra encore de toi, à 30 ans, célibataire ?» m’a dit ma mère. « Et les études ? Un master ? Tes amis en sont là, et toi ? » « Tu sais que plus tu attends pour avoir des enfants, plus ce sera compliqué ? Et si tu en as, tu risques de ne pas les voir grandir… » . Et puis hier, une amie m’a envoyé une vidéo du prince Charles Ndizeye. Il avait 19 ans quand il gouvernait. Elle avait écrit : « À 19 ans, lui dirigeait un royaume… et toi, uraho urasamye. »
Maintenant que j’y pense, ça me fait sourire parce qu’au fond, ce genre de phrase, je me la dis souvent, sans oser.
Je prends une profonde inspiration. La chanson s’interrompt encore une fois. Cette fois, je me regarde. J’ai 30 ans. Et je laisse toujours les voix des autres guider mes choix. J’ai 30 ans et j’ai encore du mal à dire « non ». J’ai 30 ans et j’ai toujours ce sentiment d’être à la traîne. Sans diplôme de master, sans emploi stable, sans amoureux, sans appartement…. J’ai 30 ans , et le sentiment d’être au bord du vide.
To youuuuu…
Et puis, je lève les yeux. J’ai trouvé mon vœu. Je veux apprendre à croire un peu plus en moi, en mes 30 ans, en mon chemin, à mon propre rythme. Comprendre que ce chiffre que je fuyais peut-être marquer le début de quelque chose.
Alors, je souffle. Pas parce que j’y crois. Mais parce qu’au fond, peut-être que oui. Peut-être que 30 ans n’est pas la fin.