Il y a ces âmes, ces jeunes gens que l’on croise sur notre chemin et qui bouleversent tout et qui nous forcent à nous interroger sur nous-mêmes. Emma est de ceux-là : une voix particulière, un courage rare, une liberté qui inspire.
C’est fou de voir comment certaines filles grandissent avec des complexes parce qu’elles ne parlent pas comme les autres, ne ressemblent pas aux autres, et que la société, cruelle comme elle l’est, ne cesse de le leur rappeler. Heureusement, ce n’est pas le cas d’Emma. Dans la vingtaine, Emma est une jeune femme pleine d’assurance, une femme hors du commun dont la voix ne passe pas inaperçue ! Elle aime dire “Ego mfise urujwi rw’abagabo, mais moi, j’aime cette voix telle quelle”.
On lui répète sans cesse qu’elle a une voix d’homme (mais pourquoi d’ailleurs cette appellation absurde ?), une voix qui s’impose, une voix qui résonne ! Si jeune encore, elle parlait et les gens demandaient : « Mais c’est un homme qui parle ? » Ils ne comprenaient pas comment un si petit corps de fille pouvait abriter une voix si puissante.
Mais pour moi, c’est évident : si son esprit peut contenir autant d’idées, de belles idées, pourquoi sa voix ne serait-elle pas aussi imposante ? Cette jeune fille me rappelle l’audace que je n’ai jamais eue, le courage de poser les vraies questions, celles que j’hésite à formuler parce que je les crois trop lourdes d’enjeux. Elle, elle les lance sans crainte, sans masque, pas pour impressionner, mais juste pour comprendre, pour demander des comptes. Dans cette liberté, elle m’a offert le plus précieux des cadeaux : celui de me remettre en question.
Ce n’est pas sorcier…
Je n’ai aucun doute là-dessus : elle a dû mener des batailles silencieuses, essuyer des traumas, des propos maladroits de la part de son entourage, apprendre à s’accepter en embrassant le feu qu’elle portait en elle. C’est pour cela que je l’admire tant. Chaque prise de parole qu’elle ose aujourd’hui est une célébration de ses luttes, une victoire sur tout ce qu’on a tenté de briser en elle. Elle ne s’est pas laissée faire. Sa voix est trop puissante pour être étouffée, ses idées trop vives pour être éteintes.
Je l’admire non seulement pour sa voix, mais aussi pour le chemin qu’elle a tracé et le combat qui lui a appris à ne pas chercher à plaire. Depuis l’enfance, elle ne plaisait pas à une société qui voulait l’enfermer. Aujourd’hui, je la vois libre : libre d’exprimer ses mots et ses maux, libre de réaliser ses rêves ; libre de bousculer ; et elle n’a pas peur de déranger, car elle a toujours dérangé, et c’est dans ce dérangement qu’elle s’affirme.
Ma chère, tu as mon admiration
Si tu me lis, ma chère, sache que je t’admire pour ta résilience. J’admire le résultat, même si je n’ai aucune idée de l’ampleur du combat que tu as dû livrer pour en arriver là. J’ai le seum contre cette société qui ne cesse d’imposer des standards absurdes. Une fille doit parler comme ceci, avoir une taille comme cela, manger comme ceci, surtout ne pas parler comme cela sans jamais réfléchir aux traumatismes qu’elle laisse derrière elle, aux rêves qu’elle piétine. Mais je suis fière de toi, fière que tu ne t’es pas laissée écraser, et tu resteras toujours un modèle pour moi. Ta voix, que certains appelaient « d’homme » mais que je trouve merveilleuse, restera toujours le symbole de ta différence et de ta force, la preuve que tu t’es battue sans jamais fléchir.