Ceci est l’histoire de deux jeunes filles qui m’ont appris à comprendre que les idées préconçues sur les capacités des femmes ne sont qu’un leurre, à travers leur mode de vie et leur détermination, elles m’ont enseigné que les filles, elles aussi, peuvent rêver grand, accomplir des exploits et briser les barrières. Elles sont, sans aucun doute, ma plus belle école de vie.
Dimanche 5 janvier 2025, 11 h 54. Je suis assise au bord du lac Tanganyika. Il fait très calme. Mais au fond de moi, c’est une tout autre réalité. J’ai choisi cet endroit calme pour refaire le bilan de ma vie, des leçons apprises cette année qui vient de s’achever. Mes pensées vagabondent, m’entraînant bien loin, à l’époque où j’étais vendeuse ambulante de chemises pour hommes. Comme un choc brutal, je me rappelle de ces phrases qu’on me répétait sans relâche : « We dogo aho urondera amahera ushaka kuzoganza umugabo wewe, genda wisige use neza, ibisigaye urindire umugabo canke urindire aho bazogutereka mu biro. »
Hein ? Je cherchais simplement à travailler, à gagner ma vie dignement et voilà ce qu’on me sortait. On me faisait comprendre que mon destin était déjà tracé. Que je devais me contenter de m’asseoir sagement, bien maquillée, en attendant qu’un mari vienne me « sauver » ou qu’on me place à un poste, non pas pour mes compétences, mais parce que j’étais une fille. Sérieusement ?
À l’époque, je me disais qu’ils avaient peut-être raison. « Peut-être devrais-je juste me calmer et suivre le trend ». Mais une petite voix au fond de moi s’élevait : « Non ! Il y a quelque chose qui cloche ici ! ». Pourquoi cette idée absurde qu’une fille ne peut pas se battre pour sa propre vie ?
Des rencontres inattendues
Je décroche un nouveau boulot. Franchement, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Je me dis dans ma tête : « Je vais travailler dur, faire des petits sourires à tout le monde, dire bonjour et merci, …voilà, rien de compliqué. » Mais surprise ! Les choses ne se déroulent pas comme prévu, j’ai dû apprendre à défendre mes ambitions.
J’ai eu la chance de côtoyer deux collègues de mon âge. Ces filles-là ne sont pas timides comme moi et leur manière de penser est parfaitement différente de celle de mes précédents contacts.
La première, de petite taille et avec des dreadlocks, dégage une tranquillité impressionnante. Son visage calme et sa discrétion totale laissent planer un mystère sur ses pensées. À première vue, on pourrait la croire timide et réservée. Mais dès qu’elle ouvre la bouche, ses idées et sa façon d’expliquer les choses vous frappent comme un éclair. Ah ouais, elle est vraiment intelligente. Ce n’est pas une intelligence que l’on devine en la regardant, mais celle qui surprend dès qu’elle commence à parler.
Et puis, il y a la deuxième, de grande taille, qui dégage une prestance naturelle. Elle s’exprime avec assurance et tranquillité. Pas besoin de hausser le ton ; elle explique calmement, avec clarté, et captive son audience sans efforts. Ces deux filles, chacune à sa manière, incarnent une forme d’intelligence profonde et captivante. Tu ne peux pas deviner leur potentiel juste en les regardant. Mais dès qu’elles prennent la parole c’est fini. Tu te tais, tu écoutes, et tu prends des notes.
Le modèle qui m’a fait grandir
Ce qui est drôle, c’est qu’elles ne se rendaient même pas compte qu’elles étaient en train de m’enseigner quelque chose. Elles faisaient simplement leur travail, tandis que moi, je les observais comme une élève assidue. En les voyant défendre leurs idées et gérer des situations avec confiance et sérénité, je me suis dit : « Moi aussi, je peux le faire ». J’avais l’impression de regarder dans un miroir spécial et je ne voyais plus la fille pleine de doutes que j’étais. À travers elles, je voyais la version de moi-même que je pouvais devenir. Une version qui ose prendre des décisions et ne se laisse pas limiter par les clichés liés au genre. Eh bien non, je n’attendais plus personne, j’étais prête à prendre ma place.
Aujourd’hui, alors que je me trouve ici, face à ce lac tranquille, je repense encore aux personnes qui me disaient de m’asseoir et d’attendre un mari qui s’occuperait de tout. Si je pouvais retourner dans le passé, je leur répondrais avec assurance : « Non, je vais me battre pour mes ambitions. »